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mardi 5 mai 2009

Agir pour l'environnement Malgache


Mission Sahamalaza - 1999 - Sauver le Lémur aux yeux turquoise

Afin de conserver une sous-espèce rarissime de lémurien – le lémur aux yeux turquoise (Eulemur macaco flavifrons) – un consortium de parcs zoologiques européens, placé sous la direction du Zoo de Mulhouse, tente depuis plusieurs années d’établir une aire protégée sur la presqu’île de Sahamalaza, dans le Nord-Ouest de Madagascar.

« Pour parvenir à préserver le lémur aux yeux turquoise, le Consortium a intégralement financé, en 1999, deux missions visant à dresser un inventaire faunistique et floristique du site ainsi qu’une estimation des effectifs du “flavifrons”.

Ces missions ont été supervisées sur le terrain par Lanto Andriamampianina, scientifique malgache du WCS (Wildlife Conservation Society, connu antérieurement sous le nom de Société Zoologique de New-York) ; j’étais pour ma part le seul représentant européen.
L’équipe était composée de quatre jeunes habitants de Marozavavy, de Lanto et de moi-même. L’objectif était de sillonner la presqu’île en tous sens afin d’établir l’inventaire des vertébrés - dont j’avais la charge - mais aussi afin de rendre compte de l’état de dégradation des écosystèmes(*).
L’inventaire a permis de recenser: 13 espèces de mammifères (dont 6 de lémuriens), 53 espèces d’oiseaux (espèces migratrices mises à part) et 25 espèces de reptiles. La presqu’île de Sahamalaza constitue donc une zone à forte biodiversité(*).

Prévenir…
Depuis maintenant trois ans, le milieu ne cesse d’être dégradé: le Sud de la presqu’île, qui abritait les forêts parmi les plus préservées, a vu sa couverture forestière diminuer considérablement. Par endroits, nous avons pu estimer à environ 50 % la régression de la forêt comparativement aux relevés de 1996.
La migration des populations des villages voisins d’Ambinda et d’Andrekareka vers les terres boisées inexploitées de la presqu’île est sans doute à l’origine de cette accélération de la dégradation. Avec une longue saison sèche, des sols pauvres et un relief abrupt, l’agriculture est très peu productive. C’est pourquoi, malgré une densité humaine très faible (quelques habitants seulement au km2, très rares sont les villages qui comptent plus de 50 habitants), on observe une rotation accélérée des cultures sur brûlis – “tavy”(*) – et par là même une destruction rapide des écosystèmes*.
La population du lémur aux yeux turquoise semble cependant stable.
Cette sous-espèce, qui vit dans les forêts galeries encore relativement préservées, est considérée comme “fady”(*) – sacrée – par la majeure partie de la population et n’est de ce fait pas ou peu chassée.
C’est pourquoi ce lémurien reste encore abondant à Sahamalaza ; mais son aire de distribution est à ce point restreinte qu’il court un grave danger d’extinction si l’on ne préserve pas l’écosystème* dans lequel il vit.
La création d’une réserve(*) sur le site de Sahamalaza s’avère donc nécessaire si l’on souhaite préserver le lémur aux yeux turquoise et son biotope(*), mais aussi les intérêts de la population autochtone. La spirale de dégradation dans laquelle semble être plongée la presqu’île pourrait servir d’argument auprès des autorités compétentes (ministère des Eaux et Forêts malgache, Union Européenne, UNESCO) pour accélérer la mise en place de l’aire protégée.

…Ou guérir ?
Il y a quelques années encore, nous étions face à un site préservé auquel nous souhaitions apporter une protection légale en vue d’assurer sa pérennité.
Aujourd’hui, nous sommes face à une situation d’urgence: en quelques années seulement, la forêt a considérablement régressé ; il est donc envisageable que cette destruction se poursuive au même rythme. Si c’est le cas, Sahamalaza se transformera en un paysage chauve et ridé, commun à tout l’Ouest malgache. En revanche, si l’espace est géré de façon plus durable, on est en droit d’espérer une régénération du couvert forestier dégradé ».

« Le projet de réserve* à Sahamalaza a pour espèce ambassadrice le Lémur aux yeux turquoise, mais c’est en fait tous les écosystèmes* de la presqu’île que l’on tente de préserver ». •



Reproduction de l'article de Emmanuel Mouton paru dans Novae-Environnement - septembre 2001 - Illustration Maël Dewynter

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