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mardi 5 mai 2009

Interview

Un même thème pour deux niveaux d’implication :
  • En tant que personnalité, quel rôle estimez-vous pouvoir tenir pour une meilleure compréhension citoyenne des notions liées au développement durable ?
  • Madagascar peut-elle en être une illustration pratique ?

Réponse de M. Jean Faure - ancien Vice-Président du Sénat et Président de Tétraktis (développement de projets de tourisme de nature à Madagascar)

« C’est un vrai programme que vous abordez !
Personnellement, je me sens moins une personnalité qu’un acteur engagé sur le terrain. Et ceci, à double titre:- en tant que Président du groupe d’amitiés franco-malgaches au Sénat ;- mais aussi comme Président d’une association nommée “Tétraktis”. Celle-ci œuvre sur Madagascar.

Cette association travaille précisément sur les thèmes que vous abordez: “comment mettre en valeur le patrimoine(*) naturel d’un pays, de façon à ce que les gens qui y vivent le protègent et le considèrent comme leur bien” ? S’ils vivent à côté et qu’ils ne peuvent en tirer profit, ils font ce qui se passe à Madagascar. C’est à dire, qu’ils exploitent les richesses de manière irraisonnée. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans le monde entier.
A Madagascar, on le vit de façon extrêmement dure, puisque 80 % de la forêt primaire a disparu entre 1975 et 1993. C’est un constat abominable ! Et il suffit de survoler le pays pour s’apercevoir d’une immense plaie ouverte qui suppure: ce sont les phénomènes d’érosion ; la latérite se trouve emportée par les pluies, drainée par les fleuves: c’est la conséquence d’une déforestation devenue incontrôlable. La culture sur brûlis – le “tavy”(*) – en est la cause principale, liée à une tradition ancienne, mais ô combien destructrice de milieux.
Alors, l’idée de mon association, Tétraktis, est de proposer de valoriser ce patrimoine*. 3 projets sont en cours à Madagascar, reposant entièrement sur le développement local. Il s’agit d’aider les populations à prendre conscience de la valeur du potentiel naturel, et de chercher à favoriser un développement économique au bénéfice de ces mêmes populations. Tout ceci demande à développer, en matière d’accueil touristique notamment, un certain nombre de compétences. D’où la nécessité d’aider également à la mise en place d’actions de formation. Et ensuite, par des montages financiers, d’aider à créer des activités gérées par les populations.
Il est certain, pour cela, qu’il faut travailler à plusieurs niveaux. Localement, bien sûr, mais aussi avec les institutions. C’est vrai que ma position de Vice-Président du Sénat français peut m’aider. Mais pour autant, je n’ai pas la prétention de dire que je suis toujours entendu ! C’est un tel travail que j’ai parfois l’impression d’agir avec une petite cuillère dans la mer ».
Peut-on compter avec les jeunes générations malgaches ? « Premièrement, il faut que les jeunes malgaches aient confiance en l’avenir, et qu’ils aient confiance en eux pour décider de cet avenir. Ils doivent pour cela être fiers de leur culture et en mesure de l’expliquer. Deuxièmement, il leur faut apprendre à valoriser ces richesses. Enfin, ils doivent être capables de faire respecter non seulement leur nature, mais aussi leurs traditions vis-à-vis, notamment, des touristes. J’en reviens à ce nécessaire processus de formation, car ils devront s’adresser à nos sociétés en mal de sincérité et de nature authentique. C’est un autre monde qui peut, si l’on n’y prend garde, être terriblement dévastateur. Non par méchanceté, mais plus par ignorance. Les exemples à travers le monde ne manquent pas ».
Un développement durable* abordable par et pour tous les citoyens ? « Exactement ! Il y a des efforts à faire des deux côtés. Chez nous, apprendre à voyager dans le respect des milieux et des populations. Mais également, pour les malgaches, savoir conserver intact un patrimoine naturel et culturel afin de le valoriser. Mais l’accès et le partage des ressources doit profiter aux populations. » •


Réponse de M. Yann Arthus Bertrand - Photographe et auteur du projet “La Terre vue du ciel” (*).
« Madagascar, je ne connais pas assez. Je n’y suis passé que 15 jours dans ma vie et, en plus, en hélicoptère ! Mon analyse ne pourrait être que “survolée”. En travaillant en hélicoptère, je suis loin des gens et, par rapport à ma mission, je travaille beaucoup plus sur le paysage.

Je ne pourrai donc pas dire grand-chose sur Madagascar. Par contre, ce qui m’a énormément marqué, c’est l’érosion invraisemblable qui touche le pays. Nous avons été suffoqués par les “lavaka”(*). Et c’est une chose visuellement très forte. D’autant plus dans notre démarche qui consiste à rapporter un témoignage photographique sur la Terre, ses beautés et les menaces qui pèsent sur elle.
L’individu, au cœur de votre problématique, je ne l’ai malheureusement pas trop regardé en l’air. Par ma profession de photographe, j’ai plus une vision qui tourne autour de l’esthétique. Je ne suis pas journaliste. En survolant la Terre, comme je le fais depuis 5 années – même si je suis quelqu’un d’engagé et qu’il y a des choses qui m’insupportent – mon rôle n’est pas de dénoncer. L’exposition est là pour en parler. L’idée consiste plus à faire, non pas de belles photos, mais de bonnes photos. Ainsi, avec l’exposition “la Terre vue du ciel”, les gens s’arrêtent, peuvent avoir une démarche volontaire par l’envie de lire les textes. Montrer pour faire réfléchir, et responsabiliser le public, témoin de mon travail. Je n’aurai pas la prétention d’aller au-delà.
Pour moi, le développement durable(*), c’est un drôle de mot. Car, quoi que l’on puisse faire, nous sommes engagés dans un processus qui me semble irréversible. Je pense qu’il y aura besoin d’un vrai choc pour enrayer nos modes de développement actuels. Malheureusement, on parle énormément de l’éthique planétaire (au demeurant très importante) mais on ne fait pas grand-chose. A mon sens, c’est lorsque tu arrives à une certaine sérénité, peut-être liée à un minimum de réussite professionnelle ou personnelle, que tu peux commencer à regarder les autres. Tout ceci passe par une espèce de bonheur intérieur. Quand tu es malheureux, tu ne t’intéresses qu’à toi… pas aux autres ».
Est-ce à dire que le développement durable*, c’est le développement durable de l’individu ? « Bien évidemment ! L’idée maîtresse sera de prendre conscience individuellement du bien-fondé de ne plus raisonner pour soi-même égoïstement, mais plutôt collectivement, à une échelle planétaire ». •



Reproduction de l'article paru dans Novae-Environnement - septembre 2001 - Crédit photos - DR / Franck Charrel - La Terre vue du Ciel

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